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Rez-de-chaussée - numéro 8. Par la Lecture Universelle.

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Les Entrepreneurs Marginaux

Traduction française de The Outcast Manufacturers, roman de Charles Fort.

Chapitre Quatre.

 

Presque dix heures du matin. Sim à moitié endormi est en train de descendre les escaliers, en route pour le travail.
Bureau de l'Universal Manufacturing Company ! Une machine à écrire cliquète presque avec fougue ; Monsieur Parker, l'opérateur, fume un gros cigare, et porte une chemise bleu ciel fraîchement lavée. La toile cirée du sol brille de propreté ; le miroir brille ; la figurine de bronze de la cheminée, est posée sur une pièce d'étoffe en soie, éclatante ; Mademoiselle Guffy, en orange et violet et jaune et rouge et rose fané, coud, assise dans la marque enfoncée laissée par Monsieur Birtwhistle dans le sofa.
Les murs ont été lavés, mais la façon de laver les murs de bâtiments est de commencer par le bas ; le lavage des murs coulant vers le bas, provoquant le dégoulinement d'un vert pâle en un vert lumineux... caisson sortit de la Mer de Saragosse et suspendu dans des profondeurs lumineuses juste recouvert d'un entrelacs d'algues ; monstres et morceaux délabrés ont disparu.
Monsieur Birtwhistle! En manteau de lin dont les rabats s'écartent à partir du premier bouton du haut, montrant un triangle du gilet noir... comme des rideaux écartés en arrière, dévoilant un triangle de l'intérieur obscur d'une salle, et le visage de Monsieur Birtwhistle appuyé contre un panneau supérieur sans rideau.
« Monsieur Rakes! Monsieur Rakes ! Pas bien du tout ! Pas bien du tout ! » Monsieur Birtwhistle déchire une lettre et éparpille les morceaux sur le sol, la tête de côté, comme s'il surveillait Sim, comme s'il faisait un effort, derrière une vitre de fenêtre, pour regarder au loin dans la rue. « Ne faites jamais ça ! Ne venez jamais au travail à cette heure ! »
« Mais, » balbutia Sim, « j'étais là il y a des heures, et vous n'y étiez pas ! »
« Oh, tut ! tut ! Monsieur Rakes, vous êtes seulement en train de l'imaginer. Très mauvais de se mettre à imaginer si tôt le matin. Nous étions tous ici et en train de partager un moment de bonheur cinq minutes après le premier courrier du matin. »
« J'étais là! » dit Sim confus. « Enfin, je veux dire que je suis arrivé sur les marches et ne suis pas descendu, parce que votre porte était fermée. »
« Notre porte fermée ? Ouverte au monde, Rakes, mon fils ! Nous laissons le monde entier nous regarder, maintenant ! L'investissement dans l'Universal est en plein boom ! Asbury, avez-vous écrit la lettre aux McGuires ? »
« Pariez votre vie ! » dit Monsieur Parker avec enthousiasme. « Un cigare, Rakes ? » en tendant trois gros cigares à Sim.
« Merci, » dit Sim. « votre porte avait l'air bel et bien fermée depuis les escaliers ! » dit Sim en s'asseyant à sa table, l'air très morose, broyant du noir, repoussant brusquement sa chaise, faisant face à Monsieur Birtwhistle. « Quoi qu'il en soit, qu'importe ? Écoutez, juste parce que je viens de la campagne, je ne suis pas pour autant un fruit vert, ni quelque chose de ce genre, vous savez, et je ne suis pas un enfant et on ne doit pas me traiter comme si j'en étais un ! » Pause ; des signes d'un grand effort ; puis « vous ne m'avez pas dit un mot sur ce que seront mes gages, et je ne suis pas si souple au point de commencer à travailler pour rien. J'aime la franchise dans les affaires professionnelles, vraiment. Je me moque de l'argent, mais je ne veux pas être traité comme un enfant, je ne le permettrai pas ! »
Monsieur Parker se penche vers lui, lui tapotant l'épaule : « Je vous le dis, Rakes, ne perdez pas votre sang-froid. A quoi bon ? Le vieux Birt est carré avec tout un chacun dans le monde entier... quand il peut l'être. Il ne jouerait de mauvais tour à personne au monde... sauf quand il doit le faire. Il fera ce qu'il faut pour vous... parce que, ce matin, il peut se le permettre. Tout est bien ; n'allez pas gâcher ça. »
« On ne va pas me traiter comme si je n'avais aucune force de caractère, » dit Sim d'un ton maussade. « J'ai beaucoup de force de caractère. Personne ne peut m'en imposer, et peux m'importe ce qu'ils pensent quand je leur dit ce que je pense. »
« Que voulez-vous ? » demanda Monsieur Birtwhistle.
« Oh ! » dit Sim. « Ce que je veux ? » son agressivité tombant en morceaux. « Et bien, je suppose quelque chose qui soit plus comme un travail. Bon, ça va comme ça, au fond ; je crois que j'ai un peu perdu mon sang-froid, Monsieur Birtwhistle. Je n'aime pas être traité comme si je n'avais aucune force de caractère, ni comme si je n'avais jamais vu New York avant, parce que je vous parie que je connais New York aussi bien que vous. Ce n'est pas mon premier voyage ici, vous savez. »
« Que voulez-vous ? » répéta Monsieur Birtwhistle.
« Oh, il n'y a pas de problème ; je ne veux pas être déplaisant, vous savez. Seulement, je ne veux pas qu'on m'en impose ; c'est tout. Oh, il n'y a pas de problème. »
« Rakes, mon fils, » dit Monsieur Birtwhistle , sérieux et amical, « c'est entièrement de ma faute ! Ça l'est, mais que pouvais-je faire ? Ç'était le creux de la vague quand vous êtes arrivé ici. Comment pouvais-je parler affaires ? Comment aurais-je pu parler de quoi que ce soit ? Mais je peux maintenant. Hey, Mademoiselle Guffy, vous qui êtes assise là-bas et prenez note de chaque mot pour le répéter à la vieille dame quand elle vient avec le dîner. »
« Monsieur Birtwhistle, absolument rien de tel ! Mon esprit était loin, loin de vous tous. Bonjour Monsieur Rakes ; excusez-moi de ne pas vous avoir vu avant, mais mon esprit était loin, loin de vous tous. »
« Y a-t-il quelque chose de particulier que vous vouliez que je fasse ce matin ? » demanda Sim.
« Maintenant, » continua Monsieur Birtwhistle, « je suis dans une position très différente. Nous allons faire commerce, enfin. Attendez je vous montre. Les populaires équipements de boxe pour les garçons, quatre ensembles ; le livre du rêve de la sorcière ; le nouvel équipement d'imprimerie Franklin ; l'équipement pour stand de jeu fait-mouche-sur-le-noir [[ Note du traducteur : en savoir plus sur ce "jeu" : Hit the Nigger Baby et The African Dodger ]] ; douze douzaines du grand mystère japonais... »
« Oh, par tous les cieux ! » s'exclama Monsieur Parker, se penchant en arrière, se frappant les genoux, « nous allons faire commerce enfin ! N'oubliez-pas douze douzaine de 'Comportement et Étiquette à la Cour Royale,' et toute la collection de 'Imitation de Bandes Dessinées Célèbres' et les Alligators Nageurs ! »
« Et, » dit Mademoiselle Guffy, « les Extraordinaires Colis à Dix-cents ! J'aimerais voir de mes propres yeux ce qu'il y a là-dedans. Nous en avons vendus des douzaines ; je me demande ce qu'il y a dedans. Les Coqs de Combat et les Épouvantables Serpents à Sonnettes et le Détecteur Jumbo de Microbes... Je ne reposerai pas en paix dans ma tombe si je ne découvre pas ce que L'Extraordinaire Colis à Dix-cent contient. Vrai, qu'est-ce que ça pourrait être ? »
« Quoi! Tous des commandes différentes ? » demanda Sim.
« En fait, non, » dit Monsieur Birtwhislte ; « j'aurais aimé que ça le soit. Ça vient de quelqu'un qui constitue le stock d'un nouveau magasin, en Ohio, mais ça montre que notre publicité de cinq lignes est un grand succès. Mais au travail, Rakes, au travail ! Je vous payerai trente dollars par semaine pour commencer... simplement pour commencer ! » concluant avec un grand geste seigneural de la main. « Vous allez être notre directeur de publicité. Ce sera plutôt bien pour un jeune homme de votre âge, quand nous mettrons en place nos propres fabriques et bureaux. Nous ne comptons pas rester ici longtemps. »
« Et comment ! » s'exclama Monsieur Parker riant et se frappant les genoux. « Ne vous l'avais-je pas dit, Rakes, combien il est régulier.. quand il peut l'être ? »
« Allez ! Où y a-t-il une chaise ? Donnez-moi une chaise, » dit Monsieur Birtwhistle, trouvant une chaise et s'asseyant à côté de Sim. « Oui, mon fils, il y a un grand futur pour nous cinq, et je vais envoyer Katie et Emma à l'école pour leur éducation, de manière que tout le monde en profite. Rakes, nous repenserons à tous ces jours quand nous étions tous ensemble en train de lutter. Alors, ne nous laissons pas aller à tout gâcher. »
« Je suis désolé si j'ai dit quoi que ce soit, » dit Sim, les lèvres tremblantes, hors de son contrôle. « Ce serait trop beau de pouvoir regarder en arrière, pour que je gâche ça. »
« Vous n'avez pas dit un mot dont je ne vous donne pas crédit. Ce que je veux dire c'est que nous ne devons pas gâcher ça par des désaccords, parce qu'il y a quelque chose qui me semble beau d'avoir des temps difficiles mais que nous les supportions ensemble et puis que tous ensemble nous profitions de ce pourquoi nous avons lutté. Mademoiselle Guffy dans son automobile, par exemple. Asbury, en tenue de soirée, dans sa loge à l'opéra. Qu'est-ce que vous dites de ça, mon vieux ? »
« Oh, par tous les cieux ! » s'exclama Monsieur Parker, en extase en train de faire une boule de papier d'un journal, et la lançant à Mademoiselle Guffy. « Mais je ne pense pas que je me soucierais d'un habit. Devrais-je le porter ? »
« Absolument ! »
« Vraiment ? » demanda Monsieur Parker, l'air inquiet.
« Allons-donc ! » dit Mademoiselle Guffy. « Qu'est-ce qu'une personne comme moi ferait dans une automobile ? »
« Quoi faire ? Réponse, jeter des bouteilles de champagne au policier à bicyclette en train de vous poursuivre pour enfreindre toutes les limitations de vitesse. Voilà ce que Mademoiselle Guffy, fidèle petite médisante, et bonne mais malicieuse petite diablesse, ferait, et puis régler la caution avec des billets de mille dollars. Sim, ne serais-je pas un joyeux luron si j'avais de l'argent ! Mademoiselle Guffy j'ai été avare avec vous parfois, mais tout ça se réglera quand l'Universal prendra son essor. Je souhaiterais la nommer la Birtwhistle Company alors, afin que Birtwhistle soit aussi connu que Universal. Ce serait plus satisfaisant pour moi que toute autre chose. C'est mon objectif principal : glorifier le nom de Birtwhistle. Je l'admets, vous voyez. C'est une faiblesse, je le sais, mais c'est plus fort que moi Mademoiselle Guffy, regardez le riche, puissant fabricant, Isasc Birtwhistle... C'est seulement ma façon d'être, Rakes ; je ne le pense pas vraiment. Qu'est-ce qu'elle ferait, c'est ce qu'elle demande, Asbury ? »
« L'habit me préoccupe, » dit Asbury, mais il fit un clin d'oeil à Sim, pour indiquer qu'il se prêtait à ce jeu sur un coup de tête passager, et qu'il n'était pas aussi simple qu'il paraissait.
« Bien sûr, j'userais mes doigts jusqu'à l'os pour vous, Monsieur Birtwhistle, car, dans le monde entier, et depuis que je suis née, vous et Madame Birtwhistle sont les seuls qui aient été bons pour moi. En route avec Guffy dans l'automobile !... elle est bossue et laide, et le spectacle qu'elle serait ! Il en est tout excité, n'est-ce pas, Asbury ? »
« Maintenant, Sim, je ne veux pas que vous viviez ici, vous savez. Le reste d'entre nous le devra pendant un moment, pendant quelques semaines, peut-être, mais nous y sommes habitués. Je n'ai pas un mot à dire contre les Maheffy, ou personne d'autre dans le monde, pour autant que ça importe, mais je ne veux pas que vous viviez dans un tel environnement. Nous consulterons les journaux, et verrons où il y a des annonces pour des logements dans une localité agréable, et vous aider à débuter, de toute façon. Quand vous aurez terminé votre semaine, vous aurez vos trente dollars, mais en voici dix maintenant. Vous pouvez avoir une bonne chambre ; pas un studio, figurez-vous, mais payez cinq dollars la semaine pour la chambre seule. Mettez les dix dollars pour la chambre seule, et si vous ne pouvez pas vivre dans un style qui sied à notre directeur de la publicité avec trente dollars par semaine, vous aurez cinquante ! » tendant un billet de dix dollars à Sim.
« Non, Monsieur, » dit Sim ; « ce n'est pas juste, et je ne veux pas plus que ce qui est juste. Je ne prendrai pas un cent de plus que dix dollars la semaine, parce que je ne connais pas le travail de la publicité. Reprenez-ça, Monsieur Birtwhistle, ma semaine n'est pas encore terminée, et quand elle le sera, c'est à Madame Maheffy de droit, de toute façon. Vous ne pouvez vous permettre de gaspiller l'argent ainsi. »
« Sim, mon vieux, » mettant de force le billet dans la main de Sim, « prenez-le et payez-vous une chambre. Je ne veux pas avoir sur la conscience de vous avoir fait vivre dans un environnement tel que celui-ci. »
L'environnement se manifeste à ce moment : des bruits de quelque léger malentendu entre Madame Maheffy et un locataire en étage.
« Non, je ne le ferai pas ! » dit Sim ; « je ne pourrais pas être si mesquin. »
« Achetez un chapeau avec, et venez me voir pour plus. Achetez un cigare avec. Sortez et achetez un bon cigare à dix dollars, Sim ; vous avez le droit de vivre dans un style qui sied au directeur de publicité de l'Universal Manufacturing Company... à quoi ai-je pu penser, pour ne pas l'avoir dénommée la Birtwhistle Manufacturing Company ? Je suppose que je n'ai pas réalisé à quel point nous deviendrions importants. »
« Oh, pourquoi se soucier pour dix dollars ? » dit Monsieur Parker, saisissant le billet et allumant une allumette.
Un cri perçant de Mademoiselle Guffy, qui se jeta sur le billet.
« Comme si je le ferais » ria Monsieur Parker.
« Est-ce que vous avez tous perdu la tête, complètement ? » demanda Mademoiselle Guffy. « Voilà Madame Birtwhistle maintenant. Non mais vraiment ; Je vais lui donner l'argent, comme ça il est certain qu'il sera bien employé. »
La voix dans la rue : « Guffy ! »
La voix sur le perron :
« Asbury ! »
La voix dans le hall :
« Birt ! » Des accents d'une détresse horrible, des appels à l'aide dans la voix. Des paquets apparaissent dans l'encadrement de la porte ; Le bras droit de Madame Birtwhistle serrant un gros jambon qui était la base d'une superstructure glissante, incertaine, de nombreux paquets bancals, entourés par le bras gauche de Madame Birtwhistle, son menton appuyant sur le paquet du dessus.
« Vite ! prenez les pommes de terre, Asbury ! »
« Oh, les pommes de terre ? »
« Guffy ! les pommes de terre ! » le visage de Madame Birtwhistle tourné vers le bas du fait de la pression de son menton, mais ses grands yeux bleus, de détresse roulant dans tous les sens.
« Vous êtes déjà de retour ? » demanda Mademoiselle Guffy, tentant de maintenir les paquet avec une main, les empilant sur la table de Sim avec l'autre main.
« Que, » dit Madame Birtwhistle, « le marché soit à un bloc ou à deux miles d'ici, j'arrive toujours tout juste à la maison au moment où je ne peux pas faire un pas de plus sans tout laisser tomber. Bonjour Monsieur Rakes. Vraiment, pourquoi n'enlevez-vous pas votre veste ? J'ai dépendé un tas d'argent. Est-ce que ce n'est pas une dépense de cinq cents qui en valait la peine ? » en désignant un paquet.
« Grandiose! Munificent ! » s'exclama Mademoiselle Guffy.
Messieurs Rakes et Birtwhistle rient de supériorité compatissante à cette excitation pour une dépense de cinq cents qui en valait la peine.
« Mais est-ce qu'il y aura assez de choux... deux jeunes têtes ? »
« Munificent ! » déclara Monsieur Birtwhistle. « Oh, vous ! Mais regardez ces pommes de terre ! Les misérables scélérats !... ils ont essayé de me tromper sur la quantité ! on ne peut pas leur faire confiance, les misérables scélérats ! »
« Misérables ! vampires ! »
« Oh, vous ! » Madame Birtwhistle est vêtue d'une jupe noire soignée et une ceinture blanche. Ses deux petites dents sont comme des tabliers de serveuses côte à côte, vues de loin. Il y a quelques rides à côté de ses gros yeux bleus, et des touches de gris dans ses cheveux marrons, mais son visage était rose, au lieu de cireux, peu importe comment ça avait pu arriver. Elle cligna d'un gros oeil bleu quand elle raconta son astuce avec les misérables scélérats qui avait essayé de la rouler avec une mauvaise pomme de terre, ou un oignon en moins ; joli petit clin d'oeil... pétale de rose tremblant sur un oeuf de rouge-gorge peut-être. Monsieur Birtwhistle était en train de dire :
« Allons vous feriez mieux de me donner ces dix dollars, Mademoiselle Guffy. Delia, que voulez-vous pour vous-même ? Mademoiselle Guffy, dites-moi quelque chose dont vous avez envie. »
« Le jambon a coûté un dollar vingt, » dit Madame Birtwhistle.
« Non ; je demande ce que vous voulez ? Et vous, Mademoiselle Guffy ! »
« Vraiment, Monsieur Birtwhistle, j'ai tout ce que je veux, maintenant avec la compensation des boutiques de prêts sur gages. » Monsieur Birtwhistle la regarda un peu de travers pour la mention des boutiques de prêts sur gages. « Je suppose qu'il y a une seule chose que je veux... pour sûr, qui se tracasserait pour les besoins de la pauvre Guffy ? »
« Je dois voir, pour mes yeux ; ils m'en font voir à nouveau, » dit Madame Birtwhistle.
« Alors nous irons chez les meilleurs spécialistes de la ville, ou du monde, d'ailleurs. »
« Certainement, et j'irai à la boutique à cinq et dix cents. Une paire de lunettes de dix cents me conviendra. On ne doit pas se considérer trop riche, vous savez. Tout ce que j'ai acheté est absolument nécessaire. Il vous présentent des lettres de différentes tailles pour tester vos yeux, dans la boutique à cinq et dix cents. »
« Non, non ! Voulez-vous des chapeaux, des chaussures, des fourrures, des dentelles, des soieries, des diamants ? Que désirez-vous le plus Mademoiselle Guffy ? Nous commencerons par vous, donc. »
« Ce n'est pas des diamants, » dit Mademoiselle Guffy.
« Je suppose que non ! » déclara Madame Birtwhistle. « Qu'est-ce que Guffy ferait avec des diamants ? Je suis sûre que je n'ai jamais acheté quelque chose qui n'était pas absolument nécessaire. Mes chaussures vont encore, mais j'achèterai une paire de caoutchouc bon marché ; je rechigne à payer le prix pour de belles chaussures alors que je ne vais jamais nulle part. »
« Bon, alors, nous irons partout. Guffy, qu'est-ce que vous voulez, si ce ne sont pas des diamants ? »
« L'Extraordinaire Colis à Dix-cents... »
« Oh, oui ! » cria Madame Birtwhistle. « Je meurs de savoir ce qu'il y a dans l'Extraordinaire Colis à Dix cents. C'est bien Guffy ! Je suis curieuse au sujet des Miroirs du Démon et de l'anneau de serviette sauteur que nous vendons mais que je n'ai encore jamais vus. »
« Oh, tut ! tut ! dit Monsieur Birtwhistle. « Mais où vous en allez-vous maintenant ? » Madame Birtwhistle a pris le jambon, et va vers la porte.
« Juste de l'autre côté du hall, chez Madame Schufelt. »
« Au travail ! » s'exclama comme affairé Monsieur Birtwhistle, oubliant le sofa bosselé, arpentant de ci de là, supervisant son staff d'assistants affairés. « Maintenant, Asbury, sortez votre lettre aux gens de Rochester, et trouvez les coordonnées pour leur enveloppe. Mademoiselle Guffy, si vous rassembliez toutes les lettres de menace, de plainte et d'indignation, de sorte que nous puissions les vendre ! Oh, oui, Rakes, nous faisons vingt-cinq dollars pour un millier de ces lettres. Alors, n'est-ce pas un superbe milieu pour un homme d'affaires ! »
Madame Maheffy est en train de crier : « S'il vous plait rendez-moi ma scie, Madame Strout ! Ne vous préoccupez pas pour le morceau de bacon que vous avez emprunté pour la graisser avec, d'ailleurs votre propre soeur dit que vous l'avez mangé il y a longtemps ! »
Des protestations, et :
« La scie, vraiment ?...et le vieux morceau de bacon que j'ai jeté au chat ? »
« Rendez-moi ma scie, Madame Strout ; je ne serai pas étroite d'esprit au point de vous ennuyer avec le bacon. Ça fait un mois maintenant que vous avez ma scie. »
« Est-ce que la scie est tout ce que j'ai qui soit à vous ? »
« Rendez-moi ma scie, immédiatement, Madame Strout. »
« Alors, Madame Maheffy, rendez-moi mes six verres, deux avec le bord doré, un avec le morceau cassé par votre mari assoiffé en le portant à sa bouche, les trois autres ordinaires, mais trop biens pour vous ; ma lessiveuse, ma planche à laver, ma planche à repasser, support de réchaud, seau à charbon, encaustique, que vous n'aurez jamais plus, parce vous avez ciré avec les chaussures de toute votre famille ; ma chaise recouverte en peluche parce que vous ne possédiez pas de chaise, mais êtes honteuse de votre façon de vivre quand des gens viennent faire appel à vous ; mes aiguiles et mon fil et la soupe et le lard ; où sont les vingt-cinq cents parce que vous n'aviez pas de monnaie pour mettre dans le compteur, mais si je pouvais vous les avancer vous les auriez en caisse dans la matinée ? Le coussin de mon sofa, mon seau à charbon, ma chaise en peluche et mon paquet de punaises ! Où sont ma cire d'abeille et mes six verres, deux avec le bord doré, mon crochet de réchaud... »
Madame Maheffy hurlait : « Rendez-moi... moi... vous... vous... où est mon demi-paquet d'épingles ? »
Madame Birtwhistle, de retour avec le jambon : « N'est-ce pas honteux ? Mais, ma foi, je ne dirais pas que ça me déplait de les entendre se disputer ; ça fait qu'on se sent si tranquille et en paix chez soi. Madame Schufelt est dans l'impossibilité de cuisiner ! Il y a de la sauce figée derrière la cuisinière, et épaisse avec le gras sur le dessus. Elle ne sait pas comment nettoyer ça » Madame Birtwhistle retraverse le hall ; cette fois avec des choux.
« Monsieur Rakes »... c'est l'homme d'affaires qui parle... « pendant que vous vous occupez de cette question de la publicité, je voudrais que vous gardiez l'oeil ouvert concernant une certaine entreprise qui donne du cash en échange de timbres, avec quatre pour cent de remise ; nous payons cinq. Il y a une entreprise comme ça quelque part, mais nous n'avons pas l'adresse. Et, Monsieur Rakes, voici une bonne phrase à utiliser dans votre publicité : 'Depuis la côte rocheuse du Maine jusqu'à la rive ensoleillée du Japon.' Je ne sais pas où nous la mettrons, mais prenez-en note. »
« Asbury, écrivez à l'homme qui imprime des circulaires de six sur neuf, à grand tirage, à trente cents les milles. Nous voulons des formulaires de commande, et des typographies par électrolyse, et je pense choisir ces imitations de lettres dactylographiées. Elles sont faites sur du papier de qualité supérieure, en trois couleurs. Asbury, prenez note pour un système de fichier. Nous avons commencé au moins. Birtwhistle ! C'est un bon nom, Monsieur Rakes ; Ça a de la distinction ; vous vous en rappelleriez, n'est-ce pas ? Oh, je ne me donne pas le crédit de l'avoir. Bien sûr, il ne signifie aucune sagesse supérieure de ma part du fait d'être Birtwhistle, mais c'est, néanmoins, un bon nom à des fins commerciales. Je ne m'en vante pas comme si c'était une réussite personnelle, Monsieur Rakes... mais il est distingué ! »
Madame Maheffy est en train de crier : « Ce n'est pas à Madame Birtwhistle que vous parlez, quand vous vous adressez à moi, Madame Strout ! »
Madame Birtwhislte, dehors dans le hall : « Ne vous avisez pas de mêler mon nom à vos disputes ! »
Monsieur Birtwhistle va dans le hall, et ramène Madame Birtwhistle et les choux, lesquels choux ondoyent, convulsés par l'émotion.
« Quel culot ! » s'exclama Madame Birtwhistle. « Si vous me laissiez y aller, je lui montrerais ! J'en sais beaucoup sur elle ! Oh, son vieux mari ! Je lui en apprendrais sur son vieux mari de quoi la calmer ! Mais, » continua Madame Birtwhistle, qui méritait crédit, parce que, avec sagesse, elle avait obtenu un nom auquel était attaché de la distinction, « les dîners que je vois qu'on cuisine dans cette maison ! Ce n'est pas étonnant que les salons soit remplis, c'est parce que les déjeuners sont gratuits. Cette femme ne connaît ni les bases de la cuisine ! » Madame Birtwhistle sort encore une fois, cette fois, avec des navets, des côtelettes de porc, du beurre, et des oeufs... revient en courant, criant : « Oh, cieux miséricordieux ! Cieux miséricordieux ! »
« Quoi ? » demanda Monsieur Birtwhistle, alarmé.
« Miséricorde ! Les oignons doivent encore arriver, et ce sont cinq cents de plus, de toute façon, » dit Madame Birtwhistle. « Pour quoi faire m'avez-vous laissé aller chez Madame Schufelt ? Pourquoi ne m'avez-vous pas empêché d'y aller ? Je ne l'emmènerais plus jamais à des soldes. Qu'est-ce que vous pensez de ça ? 'Oh', dit-elle, en parlant comme ça, son nez en l'air, parlant comme ça, 'Oh, je ne rapporte jamais une quantité de choses comme ça, qui perdent leur fraîcheur; j'aime que tout soit frais.' »
« Bon, alors, tenez-vous à l'écart de vos voisins, et dînons ; Sim restera dîner avec nous. Vous pouvez rester à l'écart de vos voisins, n'est-ce pas ? »
« Occupez-vous de vos affaires ! Vous pouvez vous occuper de vos affaires, n'est-ce pas ? » Monsieur Birtwhistle s'assit sur le sofa. Madame Birtwhistle lui jeta un regard noir, regarda vers Sim, qui était penché sur des piles de matériel publicitaire. Madame Birtwhistle passa ses bras autour du cou épais de Monsieur Birtwhistle. « Je veux faire tout ce qui est possible au monde pour vous rendre heureux ! »
« Bien sûr ! » dit Monsieur Birtwhistle. « Monsieur Rakes, » dit-il, « 'Les merveilles des fouilles en Orient' est une bonne phrase. je ne sais pas ce que nous en ferons, mais prenez-en note. Asbury, Je dactylographierai quelques lettres de relance ; vous plierez des prospectus. »
Les soucis ménagers de Madame Birtwhistle ! Ses deux dents blanches semblaient placées exactement de façon à exprimer les soucis d'un ménage ; en permanence où les dents d'autres ménagères apparaissent seulement lors de moments dramatiques comme « Cieux miséricordieux ! Ai-je laissé les côtelettes où les chats peuvent les attrapper ? » ou « Oh, par tous les cieux ! ai-je assez de farine pour le ragoût? » « Ai-je eu raison, » était en train de dire Madame Birtwhistle, « de payer autant pour le jambon ? Il le vaut largement ! » Puis Madame Birtwhistle s'était mise à attiser le feu dans le poêle, répartissant les morceaux de bois au centre en une mosaïque de bois d'allumage, essayant de maintenir intacte la barrière des morceaux disposés autour en ovale... l'édifice s'écroulant dans le poêle... tant pis ! Le jambon est mis dans une marmite remplie d'eau, et une discussion s'élève ici, entre Mademoiselle Guffy et Madame Birtwhistle, quant à savoir si un jambon doit être mis dans l'eau froide, où seulement une fois qu'elle est chaude, Mademoiselle Guffy optant pour l'eau chaude, sous le dédain de Madame Birtwhistle, et Mademoiselle Guffy faisant volte-face, déclarant avec véhémence : « Vous avez raison ! Effectivement, elle doit être froide ! Évidemment elle doit être froide ! »
« Dites, » dit Monsieur Birtwhistle, « allons à Coney Island. Où est mon autre manteau ? » jetant son « vêtement-rideaux » et prenant un manteau bleu marine sur le dos d'une chaise.
« Et laisser mon jambon ? Je n'y songe pas ! »
« Coney Island, tous ensemble ! »
« Et laisser mon dîner prendre soin de lui-même tout seul ? Quelle idée que Coney Island, et le temps que ça prend ! Vraiment non ! »
« Coney Island, Sim ! Hey, Asbury ! Delia, vous venez ? Mademoiselle Guffy ? »
« Oh, maintenant... Oh, je veux dire, maintenant... » bégaya Sim.
« Oh, moi ? » dit Asbury. « Ça n'a pas d'importance pour moi où je vais. »
« Vous ? » dit Mademoiselle Guffy, « J'en suis convaincue, et si Monsieur Parker allait où que ce soit aujourd'hui, il ne commencerait pas à l'apprécier avant demain... il n'y a pas de mal à dire ça, Asbury. Soyez gentil, Monsieur Birtwhistle, et asseyez-vous à votre travail, et nous irons tous au parc dans la soirée. »
« Sim, au parc ! Parker, au parc ! Les gens comme nous vont au parc ! Bon, vous ne venez pas ? Sim et Asbury viennent ! »
« Oh, maintenant... vous savez... » dit Sim d'une voix faible.
« Vous pouvez y aller je suppose, » dit Madame Birtwhistle. « Vous pouvez aller n'importe où, je suppose. Je veux dire 'où étiez-vous ?' quand je me suis absentée un moment de la pièce, mais vous disparaissez quand bon vous semble. »
« Venez, Sim ! » dit Monsieur Birtwhistle, enfonçant le chapeau de Sim sur un côté de sa tête, tirant Asbury Parker de sa chaise, secouant avec impatience le dos de la chaise de Sim.
« Nous irons, de toute façon. Delia, je vous emmènerai ailleurs... ça vous est égal, n'est-ce pas ? »
« On devrait éviter... si tôt dans la journée, » disait Sim, debout, balançant son chapeau.
« Ça ne sert pas à grand chose d'essayer de faire pour le mieux avec un homme comme ça ! » dit Madame Birtwhistle, jetant le crochet du couvercle du poêle sur le poêle.
« Il s'excite comme ça chaque fois qu'on est un peu prospère ! » déclara Mademoiselle Guffy.
« Tous à bord pour Coney Island ! » s'écria Monsieur Birtwhistle, poussant Sim et Asbury devant lui, enlaçant leurs bras, une fois dans le hall, les tirant vers le perron, où Madame Maheffy et Mademoiselle Strout se tenaient debouts, chacune avec les bras sur les épaules de l'autre.
« Que chaque saucisse de frankfort de Coney Island que vous mangerez vous étouffe ! » cria Madame Birtwhistle depuis la fenêtre de devant.
« Oh, dites, Monsieur Birtwhistle... » disait Sim, d'une voix étouffée.
« Ne revenez pas ici ! » éructé depuis la fenêtre. « Il ne restera rien ici, alors qu'aucun de vous ne revienne ici ! »
« Tous à bord pour Coney Island ! » cria Monsieur Birtwhistle.

Fin du quatrième chapitre.

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