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Les Entrepreneurs Marginaux
Traduction française de The Outcast Manufacturers, roman de Charles Fort.
Chapitre Un.
À l'ouest, les Palissades sur la longueur de la rue, gris-mat comme un bloc de plomb ; un ornement de la North River brillante comme la lumière, métal poli tout en acier fondu. Des fenêtres d'immeubles de rapport noircies par les poêles à l'intérieur des logis sombres, des enfants malpropres, paraissant encore plus sales à cause de leur pâleur, jouant à la balle, avec une tige de bananier pour batte, au milieu de la rue. Un cheval mort gisant dans le caniveau côté sud, des enfants sautant dessus, profitant de l'élasticité de sa cage thoracique ; un vieil homme graisseux arrachant les fers du cheval.
Sur le trottoir, souillé là où d'epicuriens passants avaient régurgité de la bière éventée avant de retourner aux cruches et pichets remplis, se tenait un jeune homme ; un très jeune homme ; vêtements légers, chapeau de paille, valise à la main, un grand jeune homme avec les paupières mi-closes et de larges, irrégulières et lourdes lèvres ; paupières et lèvres comme une impression fugace d'ongles grossiers de doigts qui rejettent négligemment une poignée de camelote ; un jeune homme se tenant debout hésitant, entre le cheval mort et le perron pas très haut d'un bâtiment. Sur la première marche du perron, une jeune femme, dans une cape sans manche dessinant une forme serpentine, bombant une hanche pour supporter un enfant qu'elle portait sous son bras. Sur la marche du haut, une femme robuste, les cheveux gris des cendres qu'elle avait ramonées.
« Briseurs de grêves ! Briseurs de grêves ! » cria-t-elle en rentrant dans la maison.
« La chef surveillante! » dit la voix railleuse d'une femme, dans l'ombre du hall d'entrée.
« À moi, les hommes du Syndicat, à moi! » dit celle à la coiffure poudrée. « Des hommes du Syndicat qui n'aient pas peur de sortir de chez eux le soir! »
« Vous ne pouvez pas vous faire remarquer sur le perron avec eux, si les choses continuent comme ça ! » dit-elle anxieusement à la jeune femme serpentine, qui bougea un peu, gloussa, et, en gloussant, détourna son visage.
« Plein de ces damnés briseurs de grêves ! Briseurs de grêves! Vrai vous n'êtes pas des hommes de syndicat, en aucun cas ! Comment font la plupart de vous pour vivre c'est un des mystères du quartier! »
« La chef surveillante ! Partout où elle a jamais vécu elle est connue comme une pertubatrice. »
« Que ton veil homme sorte et se batte avec moi! Je lui montrerai de quoi une femme est capable. » Puis, très gentiment, à la jeune femme : « Il fait chaud, pas vrai ? Comment va le bébé ? »
Un homme corpulent sortit sur le perron, ses bretelles pendant derrière lui en deux boucles ; un homme avec un visage large, singulièrement plat et blanc à la pointe du nez, la pointe du menton, et les pommettes, un visage tel qu'on peut voir celui des boulangers, blanc et applati contre la vitre de leurs fenêtres.
« Oh, en fait, Madame Maheffy, ma femme ne voulait rien signifier de particulier. Vous devriez le savoir depuis le temps. N'est-elle pas tout le temps en train de dire : 'Que serait l'immeuble sans Madame Maheffy ?' Toutes deux n'avez aucun motif de vous disputer. »
« Ah, sûrement, cher monsieur, c'est à cause du climat ; bien sûr, chaque femme peut exprimer un brin d'opinion de temps en temps. Pourquoi vous mettez-vous en peine, cher monsieur ? Ne me prêtez aucune attention. »
« Excusez-moi! » dit le jeune homme avec la valise, ses longues lèvres tremblant en un incontrôlable rictus. « Je suis un peu perdu je crois... Je veux dire que je crois que je suis au mauvais numéro. Ce que je veux dire c'est que je suis à la recherche de l'Universal Manufacturing Company... »
L'homme à la figure applatie : « Vous êtes venu juste où il faut. Est-ce que je me trompe en vous prenant pour Monsieur Rakes, de Jersey ? »
« Oui... bon, on m'appelle généralement Sim. Oui, je suis Sim Rakes. J'étais à la recherche d'une fabrique, en fait. Monsieur Birtwhistle est-il ici ? »
L'homme avait tourné son large dos, avec les bretelles qui se dandinaient, et se dirigea d'un pas traînant vers la première porte des pièces à l'est du hall. Il chuchota à quelqu'un dans la pièce de devant, et revint de son pas traînant vers le jeune homme qu'on appelait généralement Sim, qui avait suivi tranquillement. Il dit avec un air embarassé :
« Oh, avez-vous reçu ma lettre ? Vous êtes Monsieur Rakes ? Oui, je suis Monsieur Birtwhistle. Oui, nous avons un emploi vacant en ce moment. Fait chaud, n'est-ce pas ? » faisant face à Sim, traînant des pieds doucement à reculons vers la porte de côté, lançant pas dessus son épaule : « Il a reçu ma lettre. »
Le bruit d'un piétinement. Quand Sim reçut la permission de venir à la porte, il regarda dans la pièce de devant, et vit une femme qui s'activait dans tous les sens, une femme enveloppée de vert fâné, ses cheveux, comme une touffe de soies de maïs brûlées par le soleil, s'activant ici et là, ramassant des vêtements et des papiers, desquels le sol était jonché ; s'affairant à des choses qu'elle envoyait sous un poêle, qui était en face de la porte, poussant des choses sous un canapé, qui était entre les deux fenêtres de façade. Elle vit Sim, et courut à une salle intérieure, par une ouverture, où une paire de rideaux bleus, joints par le haut, pendaient en deux pans séparés, comme la salopette d'un géant à califourchon sur un cheval. Contre le mur de la salle il y avait deux tables, auxquelles étaient assis les effectifs du bureau de l'Universal Manufacturing Company... un homme et une femme. Sur le sol du bureau il y avait des journaux et des lettres piétinés et du papier taché qui avait enveloppé de la viande ; des os et des têtes de poissons avaient été jetés à un chat ; du rembourrage sortait du canapé dont les ressorts touchaient le sol.
« Il a reçu la lettre, très bien, » dit Monsieur Birtwhistle.
À la première table - des deux tables le long du mur de la pièce - était assise une femme, avec une épaule un peu plus basse que l'autre, lesquelles épaules voutées de telle façon qu'elle était presque bossue ; ses cheveux étaient noirs et brillants et épais de pommade capillaire ; avec leur raie au milieu, ces cheveux lourds, lisses et brillants ressemblaient aux élytres entrouvertes d'un monstrueux scarabée. La femme portait une ceinture d'un rouge éclatant et à ses coudes des rubans d'un rouge plus léger et encore plus criard.
« Il est venu, Mademoiselle Guffy,» dit Monsieur Birtwhistle.
Mademoiselle Guffy se retourna, et lança son bras gauche sur le dossier de sa chaise, ce qui fit paraître ses épaules de même hauteur ; elle fixa Sim du regard, sans rien dire.
A la seconde table, qui était près d'une fenêtre, était assis un homme, les cheveux avec une coupe au bol, qui retombaient sur ses oreilles - ou oreille, car une oreille était manquante - coupe au bol qui retombait tout autour de sa tête ; traits affables et enfantins.
« Il est venu, Asbury, » dit Monsieur Birtwhistle. L'homme portait une chemise de nuit, rentrée dans son pantalon ; des pieds sans chaussette dans des pantoufles sans talon ; il tenait ses mains, tombantes comme les pattes avants d'un kangourou, sur une machine à écrire poussièreuse.
« Monsieur Rakes, Monsieur Asbury Parker. »
Monsieur Asbury Parker, assis avec ses mains flétries sur la machine à écrire, regarde lentement autour de lui ; puis, « Oh! Vous me parliez ? Oh, comment allez-vous ? » Il se leva, debout à côté de sa table, restant silencieux... La main de Sim qui tord et serre chapeau et valise.
Rideaux bleus pathétiques ; la femme derrière eux qui les agrippe.
Des piles de papier entre les deux tables ; des piles désordonnées de lettres dactylographiées qui étaient tombées sur des empilements d'enveloppes, mélangées avec des catalogues et du papier pour les emballages...
« Prenez un siège, prenez un siège, Monsieur, » dit Monsieur Birtwhistle avec une pitoyable vivacité. Sim assis sur une chaise avec le dos tourné vers les rideaux bleus ; Sim contraint à se maintenir très avancé sur le bord de la chaise, les ressorts saillants de celle-ci le repoussant.
Les murs peints en vert de la salle étaient marbrés de fumée du poêle ; barbouillés de suie avec des formes étranges ; une salle verte, comme un caisson de verre immergé dans la mer ; dans une mer verte, pas dans les profondeurs lumineuses et claires de l'océan ; un caisson immergé quelque part et suspendu au milieu de débris et de mauvaises herbes macérées ; une pièce immergée dans la mer des Sargasses.
« Nous ne vous attendions pas aujourd'hui, encore que nous aurions dû - mais je ne m'excuserai pas ! » dit Monsieur Birtwhistle, Monsieur Asbury Parker encore debout raide à côté de sa table... Mademoiselle Guffy, avec son bras sur le dossier de sa chaise, fixant Sim.
« Oh, il n'y a pas de problème » dit Sim. « Une rue plutôt animée, ici. » Il rit sans retenue. Il essayait de ne pas regarder les têtes de poissons sur le sol ; puis il détourna le regard d'une casserole de cendres à moitié glissée sous le poêle.
« Je suppose que nous pouvons faire mieux que ça pour vous, » dit Monsieur Birtwhistle, montrant la chaise qui avait repoussé Sim quand il s'y était assis.
« Delia, » dit-il, en allant aux rideaux bleus qui s'agitaient. D'abord Madame Birtwhistle ne voulut pas sortir. Monsieur Birtwhistle réapparut, portant une chaise avec une assise concave, canée, quoiqu'il en soit une chaise qui ne vous repousserait pas. Puis Madame Birtwhistle sortit avec défi, les yeux regardant droit devant, les yeux évitant Sim, bien qu'elle inclinât légèrement la tête dans sa direction. Elle avait empilé ses cheveux en une cime haute et instable ; son visage était blafard ; sous une petite lèvre supérieure deux dents blanches étaient exposées, saillant juste comme deux grains sur un reste d'épis de maïs pâle.
« Asbury, » dit-elle sèchement, « vous pouvez continuer à travailler. »
« Monsieur Rakes, » commenca Monsieur Birtwhistle, avec une sorte de grandiloquence désespérée, et alors qu'il s'avançait pompeusement une boucle de ses bretelles qui pendaient se prit dans un coin du poêle, le tirant à reculons. « Oh, malédictions ! » dit mollement Monsieur Birtwhistle.
« Monsieur Rakes doit nous prendre comme nous sommes, » déclara Madame Birtwhistle. Du pied elle poussa plus encore la casserole de cendres sous le poêle.
« Certainement ! » dit promptement Sim.
« Oh, asseyons-nous ! » dit Monsieur Parker. Il se laissa tomber sur sa chaise et s'assit en tenant ses mains languissantes immobiles sur la machine à écrire bancale.
« Ça va comme ça, ça va comme ça, » dit Sim. « Ne vous préoccupez pas pour moi, je fais toujours comme chez moi partout, » – parlant laborieusement, ses yeux vacillants, sa bouche avec un rictus de contraction – « je veux dire, il n'y a pas de problème vous savez. »
« Alors vous avez reçu ma lettre ? » demanda Monsieur Birtwhistle. « Est-ce que votre arrivée cette après-midi a quelque chose à voir avec ça ? »
« Il se trouvait que j'étais en ville, vous savez. Je viens juste d'arriver, vous voyez. Si vous êtes trop occupé, et bien, nous pouvons discuter de la question une autre fois. »
« Et bien, je n'ai rien de particuler en ce moment précis, si vous non plus. »
« Non, je viens souvent en ville pour un jour ou deux. »
À cet instant Madame Birtwhistle laissa éclater ses sentiments. Elle était allée fermer en cachette une porte de placard, ramasser une paire de chaussettes qui séchaient sur la porte du four, tout en rassemblant des papiers avec ses pieds.
« Aucun autre homme ne vivrait de la sorte, » marmonna-t-elle d'un air renfrogné. « Vous aviez de l'argent le mois dernier. Pourquoi ne pas avoir assuré des bases solides à ce foyer ? Je trouve ça trop bête de vous demander si nous allons avoir ceci et si nous allons avoir cela. Assez de « allons-nous, » parce que toute la merde vient de là. Je n'ai jamais vécu comme ça, comme une voleuse, inquiète pour nous chaque fois qu'on frappe à la porte. Ce n'est pas la peine d'en dire plus. Non, ne partez pas Monsieur Rakes ; vous n'êtes pas en cause. » Elle parlait avec un léger accent irlandais.
« Ma chère, » dit la voix de Monsieur Birtwhistle qui avait un léger ton nasillard de l'ouest, « ne vous excusez jamais de rien. »
« Oh, c'est bien beau de dire ça... »
« Je voudrais vous demander, Monsieur Rakes, » dit Monsieur Birtwhistle. « Savez vous taper à la machine ? Asbury ici présent n'est pas de la plus grande habileté. » Monsieur Parker appuya avec précaution sur les touches de la machine à écrire. « Vous pourriez démarrer ici avec nous ; vous pourriez faire fortune ici. »
« Oh, oui, » dit Sim ; « vous ne devez pas vous tracasser pour moi, » regardant autour de lui nerveusement, souriant avec une certaine inquiétude à Mademoiselle Guffy, pour s'attirer la sympathie de cette silencieuse personne qui le fixait.
Une enfant déambula dans le bureau de l'Universal Manufacturing Company, une petite fille à l'allure de matrone, qui portait un chapeau à larges bords sur ses épaules, l'élastique de celui-ci autour de son cou. Elle dit à Mademoiselle Guffy qui reprenait le collage des bords d'un tas d'emballages de papier : « Oh, c'est une belle ceinture que vous avez là ! » et à Madame Birtwhistle : « Oh, votre petit mari est à la maison ? » Elle alla à la chaise aux ressorts saillants et s'y assit , mais rapidement se leva, s'exclamant : « Mon dieu ! » puis alla à un fauteuil près de la fenêtre est, où, les mains derrière sa tête et balançant ses jambes, elle soupira, soit parce qu'elle était préoccupée soit parce qu'elle se sentait commode.
Le silence dans la salle, puis, venant du dessus, des sons de quelqu'un sautant sur du bois de chauffage pour le casser aux dimensions du poêle ; la voix souffreteuse d'un vieil homme maugréait une plainte monotone répétitive dans une chambre à l'étage.
« Oui, » dit Monsieur Birtwhistle, « nous pensons développer notre activité. »
« Mon Dieu ! » s'écria la petite fille ; elle venait de faire une mauvaise chute en arrière avec le fauteuil. Puis :
« Au fait, Madame Birtwhistle, Madame Maheffy m'a envoyée pour savoir si vous boiriez une pinte de bière avec elle. »
« Devrions-nous ? » demanda Madame Birtwhistle. « pouvons-nous nous absenter pour un moment ? Monsieur Rakes nous excusera. Est-ce que je lui apporte une tasse de cette soupe ? je lui apporte ? »
Monsieur Birtwhisle haussa les épaules et leva ses mains faiblement.
« Je suppose que nous pouvons nous absenter pour un moment. Ce grain de beauté sous mon menton est branlant. Vais-je l'arracher ? Je le fais ? »
« Non! » dit Monsieur Birtwhistle, promptement et énergiquement. « Bon, alors. Monsieur Rakes, » d'une voix joviale, se frottant les mains, « les devoirs sociaux semblent nous appeller. Les devoirs sociaux, vous comprenez. Nous serons rapidement de retour. N'ayez pas peur de Mademoiselle Guffy. Vous pouvez mettre le pied à l'étrier avec nous de toute façon, vous savez. »
« Je suis d'accord avec vous » venant de Mademoiselle Guffy, qui détourna rapidement le regard pour le fixer de nouveau sur Sim.
« Faites comme chez vous, et, quand nous serons de retour, nous en parlerons. » Les entrepreneurs s'en allèrent, la petite fille les suivit.
« Je crois, » dit Sim, se penchant pour prendre sa valise, « que je ferais mieux de m'en aller, je viens juste d'arriver. »
« Vrai, mon vieux... vrai, vous n'êtes qu'un gamin, » dit Mademoiselle Guffy. « Asseyez-vous ici, ils seront bientôt de retour. »
« J'ai une petite affaire à traiter »... hésitant... jouant avec la poignée de sa valise.
La petite fille, en train de regarder par la fenêtre de façade, depuis le perron, cria :
« Je reviens. » Par la porte du hall elle rentra dans la pièce, sortant de minuscules poupées de porcelaine de sa poche, les tenant en évidence pour que Sim les voie, en disant : « j'ai un nouveau chapeau rouge ; grand-mère a un nouveau chapeau et de nouvelles chaussures. Mademoiselle Guffy, Mademoiselle Dunphy et l'autre Mademoiselle Dunphy sont dans la rue, et viennent ici, je suppose. » Et de nouveau elle sortit sur le perron.
« Pas de chance pour elles ! » dit Mademoiselle Guffy, « elles viennent toujours quand la maison est débordée. » À Sim : « Ce sont des jeunes filles qui passent leur temps dehors ; ce sont les nièces de Madame Birtwhistle. »
La première Mademoiselle Dunphy qui entra dans la pièce était une jeune femme à l'allure d'un palmier en pot, petite et large d'épaules, habillée d'une robe couleur pot-de-fleurs, des plumes vertes, comme du rembourrage de paillasse, sur son chapeau. Elle entra bruyamment dans la pièce, lançant : « Ho ! ho ! Vous êtes là ? Où sont les Birts ? » Puis, se tournant vers la porte du hall, agitant une grande main rouge à quelqu'un sur les escaliers, criant de bon coeur : « Ho ! ho ! Est-ce vous Monsieur Tunnan ? Et comment diable allez-vous ? » Elle courut aux rideaux bleus, debout entre eux, appelant : « Birt ! ho, Birt ! » Puis, dans un murmure rauque, en se tournant vers Mademoiselle Guffy :
« Est-ce que les négriers sont sortis ? Est-ce que les négriers sont sortis prendre l'air ? Emma est ici ! Que pensez-vous d'Emma ? Elle m'a laissée sur la 57eme rue, disant qu'elle allait faire du shopping, et je tombe sur elle au coin de chez vous. »
L'autre Mademoiselle Dunphy entra dans la pièce, une jeune personne raide de la tête au pied, habillée en blanc. Se serait-elle tenue très immobile, avec sa grosse face pâle et ronde, elle aurait pu être confondue ave un aquarium sphérique sur un piédestal en marbre.
« Non mais, celle-ci, » dit la Miss Dunphy blanche , désignant sa soeur, jetant un regard à Sim, jetant un coup d'oeil ailleurs, de nouveau jetant un regard sur lui ; « Nous avons juré toutes les deux - les négriers sont sortis ? n'est-ce pas ? » dans un chuchotement – « toutes les deux avons juré que nous ne reviendrions jamais ici, vous savez bien pourquoi, Mademoiselle Guffy, et celle-ci me dit, 'Emma' qu'elle me dit, 'va à tes affaires, car je ne resterai pas dehors cet après-midi alors que la famille n'est pas à la maison, mais je rentrerai pour faire un peu de couture', qu'elle m'a dit. Et je la rencontre au coin de la rue, après que toutes les deux ayons fait serment de ne jamais revenir ici. C'est notre nature qui nous conduit ici, je suppose, Mademoiselle Guffy. Comment allez-vous Monsieur Parker ? Ce n'est pas utile de vous le demander, vous avez l'air bien. »
« Quoi ? » dit Monsieur Parker. « Oh, l'air bien ? Oh ! » Se recroquevillant sur la machine à écrire, semblant indifférent jusqu'au dernier degré, il était cependant en train d'essayer d'attirer l'attention de Mademoiselle Guffy, sur le fait qu'elle devrait présenter Sim à la jeune femme palmier en pot, et à sa soeur, l'aquarium.
« Toutes les deux dehors, comme d'habitude ! » dit Mademoiselle Guffy, « les deux dehors à chercher où passer du bon temps, et laissant le travail à l'abandon. »
« Comment allez-vous ? Comment diable allez vous ? » dit la demoiselle Dunphy de terre-cuite, courant à la fenêtre, agitant les mains à une connaissance à une fenêtre de l'autre côté de la rue, criant :
« Est-ce que le vieil homme travaille encore ? Oh, vous faites votre part de boulot, n'est-ce pas ? Sur mon âme, il a été assez longtemps inactif maintenant. Il faut qu'il fasse quelque chose, de sorte que vous ne passiez pas un autre dimanche « sec ». » Faisant demi-tour, remarquant :
« C'est une jolie ceinture que vous avez, Mademoiselle Guffy. Et combien elle coûtait ? »
« Oh, c'est juste une petite chose que j'ai eue sur l'avenue. Ils ne cousent même pas à moitié les boutons sur ces choses de série. »
« Et à combien c'était, si ce n'est pas trop demander ? »
« Deux-cent-quatre-vingt-dix-huit. »
« Permission accordée ! » disent en choeur les deux demoiselles Dunphy, debouts ensemble, puis assises ensemble sur le sofa affaisé entre les fenêtres de façade.
« Pas encore mariées ? » demanda Mademoiselle Guffy pour plaisanter.
« Je ne vous ai pas demandé si vous l'étiez, Mademoiselle Guffy, » répondit la pâle demoiselle Dunphy, fronçant fortement les sourcils.
« Vous ne l'avez pas fait, chère jeune fille, et je suis seulement en train de plaisanter avec vous. Je suppose que vous faites de même avec moi... Il n'y a pas urgence, laissons-ça à la volonté de Dieu. »
« Oh ! » dit Mademoiselle Dunphy, avec un grand sourire, « j'ai un ami. » Elle rougit un peu, des bouffées, comme des poissons rouges dans un aquarium, flottant dans sa face incolore, semblable à un globe,... poisson rouge dans un globe de lait, peut-être... ou poisson rouge se débattant dans un globe de chaux, allez savoir. « Bon, ce n'est pas mon petit ami, mais il m'a acheté cette robe – je suppose que vous êtes au courant – et cette bague, » sortant une bague de son portemonnaie ; « mais elle ne me plaît pas, et je ne la porte pas sauf quand il est là. C'est un homme grand et fort, quoiqu'il en soit, et aussi grand que ce gentleman ici. »
« Mon Dieu ! Je manque à mes devoirs ! » s'écria Mademoiselle Guffy. « Comment avez vous dit que vous vous appelez, Monsieur ? Mademoiselle Dunphy – bien sûr, je vais vous présenter – ce gentleman dit qu'il est Monsieur Rakes. »
« Jusqu'à présent, » dit Sim, riant mal à l'aise et se dressant maladroidement. Les demoiselles Dunphy se levant, Mademoiselle Guffy semblant y réfléchir, puis se levant à demi.
« Quelle chaleur ! » dit Sim, son sourire bête qu'il ne pouvait pas contrôler tordant sa bouche, ses lèvres comme des épluchures de pomme. « Il fait plus chaud en ville qu'à la campagne. »
« Oh, êtes-vous de la campagne ? »
« En ai-je l'air ? » cherchant à tenir le dos de sa chaise, ou n'importe quoi d'autre à tenir pendant qu'il était debout.
« Je demandais simplement, » répond avec dureté la blanche demoiselle Dunphy, en fronçant les sourcils.
« Et bien, je suppose que vous ne faisiez que demander. Je suppose que quand une personne pose une question, elle ne fait que questionner, » riant maladroitement. « Je veux dire oui ; je suis arrivé ce matin. »
« Oh, vraiment ? » dit la blanche demoiselle Dunphy, souriant avec sympathie, elle et sa soeur regagnant le sofa, Katie Dunphy agitant encore sa main par la fenêtre, Monsieur Parker qui se lève.
« Et, » continua la blanche demoiselle Dunphy, Mademoiselle Emma Dunphy, « il m'a emmenée à Coney Island trois fois, et a dépensé douze dollars pour moi à chaque fois. Allez-vous travailler ici, Monsieur Rakes, si ce n'est pas abuser de vous demander ? Dieu ait pitié de vous, si c'est le cas, mais c'est seulement votre venue ici de la campagne qui me fait demander si vous êtes un autre de leurs esclaves. Est-ce qu'ils vous doivent une grosse somme, Mademoiselle Guffy ? »
« Ah, qu'avez-vous ma fille ? Pensez-vous que je les laisserais me tondre ? Juste la nuit dernière, dans le hall, pour que tout le monde puisse entendre, lui adressant la parole directement à elle, je lui dis 'Payez-moi ce que vous me devez, Madame Birtwhistle, et je ne vous remercie pas pour ce qui m'appartient.' Elle a réagi comme si elle avait reçu un coup ; elle a déguerpi comme un corniaud après une râclée. Pour dix dollars elle ne voudrait pas que je vous raconte cette minute bénie. J'ai aussi acheté ces rubans ; ils vont bien avec la ceinture. Et avez-vous trouvé une bonne place maintenant ? »
Monsieur Parker qui se rassoit.
« Nous travaillons toutes les deux dans la même maison, vous savez. Ce n'est pas suffisant pour nous ; on ne refuse pas un revenu supplémentaire ; mais si mon ami distingué ne m'avait pas acheté cette robe – je suppose que vous êtes au courant ? – j'aurais tout juste des haillons sur le dos. Comme vous le savez bien, et ce n'est pas une nouvelle pour vous, Mademoiselle Guffy, chaque fois que nous venons ici, c'est juste cinq dollars de plus, ou c'est juste dix dollars de la semaine jusqu'au vendredi. J'ai fait serment solennel que je ne viendrais plus ici ; celle-ci a fait de même. Ils ont pris en charge notre déplacement, mais en fait ça a été pris de notre poche. Pourtant nous voici ; ce doit être ancré dans notre nature, je suppose. »
« Oh ! ho ! » était la façon de Katie de rire de toute son âme ; elle frappait ses genoux de ses larges mains rouges ; puis agita les mains avec excitation à sa connaissance de l'autre côté de la rue, se penchant vers la fenêtre, criant :
« Et est-ce que les cors du vieil homme vont mieux ? Ah, c'est une déplorable souffrance ! Et qu'êtes vous en train de cuisiner ? Oui, j'en vois la fumée. De l'agneau ? Des aubergines dites-vous ? Oh, du steack » et Katie qui se lève, et qui se penche à la fenêtre.
« Je ne suis pas particulièrement amateur de steack pour ce qui me concerne. Comment ? Je dis que je ne suis pas particulièrement amateur de steack. Non, pas amateur, mais je l'aime spécial, avec le sang qui suinte, mais pas une vrai amateur de steack en réalité. Comment ? du corned-beef haché ? »
« Je crois, » dit Katie, en retournant au sofa, « qu'elle n'aime pas qu'on voie la fumée sortir de sa salle. Elle a fermé les fenêtres. »
« Ma foi, je ne sais pas, » disait Mademoiselle Guffy. « Tous deux se comportent bien avec moi. On ne peut pas le nier. Ils ne me paient pas et je suis la pauvre esclave qui court faire toutes leurs courses, ça me met hors de moi de faire ça, mais ils m'ont sortie de la rue quand je n'avais nulle part où me poser. »
« Recroquevillé, Monsieur Parker semblant inconscient de tout ; Sim traçant des spirales sur son chapeau de paille, à l'écoute pour apprendre tout ce qu'il pouvait ; Monsieur Parker se redressant et faisant un clin d'oeil à Sim.
« Oh, vous les hommes ! » dit Emma Dunphy, menaçant joyeusement de la main Monsieur Parker. « Est-ce qu'une femme ne peux pas cancaner un peu avec vous ? » et les trois femmes de rire, emportées par leur conversation, puis s'en écartant, puis de nouveau fébrilement reprises.
« Mais, pour ce qui est d'être bons avec vous, Mademoiselle Guffy ! Comment pouvez-vous dire ça ? Ils ne peuvent être bons avec personne. Bons envers eux-mêmes et rien d'autre ! Elle a serré nos bourses pour nous, et la vôtre aussi, comme vous le savez très bien. Comment Katie pourra-t-elle leur faire face, avec ce nouveau chapeau sur la tête, je ne sais pas. C'est très regrettable que la pauvre fille achète un chapeau pour elle-même n'est-ce pas ? Comment pouvez-vous dire qu'ils sont bons envers vous. Je pensais que vous aviez plus d'esprit, Mademoiselle Guffy. J'avais pensé, un jour de l'hiver dernier, qu'elle avait relâché sa vigilance sur moi, et j'eus l'audace de regarder un bout de fourrure dans un magasin, à un dollar quatre-vingt-dix, pour mon cou. L'ai-je eu ? Demandez-moi si j'ai eu quoique ce soit dont j'aie besoin. Si elle était la sorte de femme qu'il faut, elle aurait dit, 'Emma, vous allez attraper la mort à moins que vous ne vous procuriez quelque chose pour votre cou.' En fait, Mademoiselle Guffy, c'est lécher la main qui vous frappe de dire qu'ils sont bons envers vous. Mon Dieu ! » Le visage terne d'Emma s'enflammant, comme un globe sombre soudain transpercé par un rayon de soleil, « ses oreilles doivent être rudement en train de chauffer ! »
Mademoiselle Katie Dunphy tapa sur ses deux genoux et les pinça fort ; elle se tourna sur la gauche et grimaça, et se tortilla, grimaçante, vers la droite, se pinçant durement, ce qui était sa façon silencieuse de rire.
« Avons-nous fait un tour de New York, quand nous sommes venues la première fois ? Y eut-il quelque Statue de la Liberté ou le spectacle de Broadway pour nous ? Non ; mais mises directement à travailler dans un hôtel, commençant à faire de l'argent pour eux, seize heures par jour, si ça vous dit quelque chose, jusqu'à ce que nous allâmes chez des particuliers. Oh, nous sommes très satisfaites où nous sommes maintenant, n'est-ce pas Katie ? Notre lady ne sait quoi faire pour nous, n'est-ce pas Katie ? Sur nos talons toute la journée. 'Vous en faites trop', dit-elle. Toutes les deux nous jouons aux grandes dames la plupart du temps. Attendez seulement, jusqu'à ce quelle arrive et voie le chapeau de Katie, vous verrez la méchanceté ramper sur son visage, vous verrez, vraiment ! Votre audace ,Kate, oser aller acheter quelque chose pour vous, pendant qu'eux... encore que je dirais que lui n'est pas si mauvais... »
« Il n'est pas si méchant, » convint Katie, assise avec les genoux de côté, et un large ruban enserrant ses genoux. « Elle devrait le faire travailler à quelque chose de plus ordinaire ; c'est entièrement de sa faute à elle. »
« Il n'est pas si mauvais, » dit Mademoiselle Guffy. « Et pour en parler maintenant, je pourrais vous raconter quelque chose si je le voulais. A-t-elle aucune sorte de reconnaissance pour tout ce que vous avez fait pour eux deux, Mademoiselle Dunphy ? Non, mais elle garde la porte, ici, fermée quand vous venez sur leur demande, aussi les voisins ne vous verront pas. Oh, on se donne de grands airs ! Nous sommes la crème du monde ! Nous sommes des entrepreneurs, oui nous le sommes, et en regardant dehors les voisins verraient ça, nos nièces passant leur temps à traîner et arriver en retard. 'Aussi bonnes que de l'or, voilà comment sont les filles,' c'est ce qu'elle dit, bonnes comme de l'or, mais ayez l'air et agissez comme des jeunes filles de service. 'Elles ne sont pas ici depuis très longtemps, mais elles apprendront...' alors ouais elle garde la porte close pendant que vous êtes en train d'apprendre. »
A la suite de quoi l'adversaire vide son sac :
« En effet, mais nous pourrions être vêtue de soie si nous avions gardé ce qui était à nous ! » et « Nous n'avons pas appris à passer l'éponge chez les autres, de toute façon ! » et « Nous pourrions nous habiller chez les plus raffinés du pays, si ce n'était à cause de nos coeurs trop tendres ! »
« Vous pourriez en effet, chères filles ! Mais, comme vous dites, il n'est pas si mauvais. C'est une jolie ceinture, n'est-ce pas ? Je peux la porter l'automne ; et si solide ; et seulement couté quatre-cent-quatre-vingt-huit. »
« Autorisation accordée ! » s'exclamèrent les demoiselles Dunphy.
« Ils ont été bons avec moi... »
« Elle non ! Elle non ! » cria la blanche demoiselle Dunphy, si rapidement qu'elle bafouilla.
« Et, même avec tous les défauts qu'il a, je dois dire qu'elle est la seule à blâmer. »
« Voulez-vous m'excuser un moment ? » demanda Sim. Avec ses dents il se rongeait un ongle. « Je veux dire ! C'est un peu fort pour moi, vous savez ! Vous avez ma parole, je ne sais pas où je suis ici, vous savez ! Vrai quoi, regardez dans quelle situation je me trouve. J'ai mis la main sur un des catalogues de Monsieur Birtwhistle, et j'ai écrit pour savoir s'il y avait quelque emploi vacant. Et il m'a répondu de venir. Je veux dire, c'est dur pour moi ! Vous savez comment c'est quand vous quittez la maison et venez à la ville pour un job... Et bien, vous ne pouvez pas retourner en arrière, c'est tout. Dans notre bourgade, il n'y a pas un homme, une femme ou un enfant qui ne soit en train de dire, 'Oh, mon Dieu ! Sim a enfin eu un job !' C'est comme ça, c'est ce qu'ils disent. Je ne crois pas avoir été traité correctement. Je m'attendais à trouver ici une grande usine, où se fabriquait et se vendait tout ce à quoi vous pourriez penser... c'est ce que dit son catalogue. Ne vend-t-il donc rien alors ? »
« Incroyable, cher monsieur... Ainsi donc vous êtes juste un gamin, » dit Mademoiselle Guffy rudement... « bien sûr qu'il vend tout ce qu'on peut trouver sous le soleil, c'est un fait, et il fait beaucoup d'argent, de temps en temps, c'est un fait ! »
« Si seulement elle le dirigeait mieux ! » dit Mademoiselle Emma Dunphy. « Il fait de son mieux, mais ce n'est pas un homme d'affaires, n'est-ce pas, Monsieur Parker ? »
« Je ne vois rien ici, » dit Sim « A-t-il un entrepôt ? »
À ce moment la blanche Mademoiselle Dunphy se prit d'un intérêt aimable pour Sim ; elle se leva, comme pour prendre une chaise plus près de Sim, mais se rassit à côté de sa soeur terre-cuite, les coudes sur ses genoux, son globe entre ses mains.
« N'avez-vous jamais entendu parler de la vente par correspondance, Monsieur ? Si c'était mieux géré ça lui rapporterait bien avec ça ; pas d'argent investi ; pas de bureau à louer ni de taxes ni d'assurance à payer ; pas de mauvaises créances... il vous dirait la même chose ; j'ai tout appris de lui...mais il est fou, ou, pour le moins, ma tante ne l'oriente pas correctement, Monsieur. La première chose, quand il gagne un peu d'argent, c'est qu'il doit recruter de l'aide, et parle d'avoir un étage dans un gratte-ciel... et charlatan qu'il est !... je ne dis rien contre lui... mais il l'est, et l'Universal Manufacturing Company, qu'est-ce que vous en dites ? »
« En effet, qu'est-ce que vous en dites ! » dit Mademoiselle Guffy.
Mademoiselle Katie Dunphy cogna ses genoux et cria « Ho ! Ho ! »
« Mais, comme je disais, les grandes idées qu'il a ! Vivre dans cet endroit, et avoir un numéro de téléphone imprimé sur ses en-têtes de factures ! Avez-vous regardé autour de vous et voyez vous un téléphone, Monsieur ? Il est au bureau de tabac, ce numéro de téléphone. Et lui qui signale qu'on adresse la correspondance au Bureau K ou au Bureau W... est-ce que votre bureau est le Bureau K, Monsieur Parker ? Et 'Créé en 1776' sur ses en-têtes de lettres ; 1776, qu'en dites vous ! »
« Sur mon âme, ses grandes idées seraient la ruine de quiconque. Et sa façon de raisonner, ou, plutôt, son manque de raisonnement, faisant de la publicité en été pour vendre des patins et des raquettes de neige, et pour des ventilateurs et ce genre de chose en hiver ; pas de jugement du tout, et tout dans la confusion. Pas de lettres envoyées, pas de commandes rapidement satisfaites ; la prospérité ne peut s'établir. »
« Oh, un homme d'affaire ? » dit Monsieur Parker.
Sim était en train de demander : « comment se fait le travail ici, alors ? »
« Je vais vous le dire clairement, Monsieur » dit Mademoiselle Dunphy, agitant ses mains, ses coudes sur ses genoux. « Il fait de la promotion, et envoie ses catalogues, comme s'il avait en stock toutes ces choses qu'il annonce, mais il ne les a pas, pas le moindre sacré truc, ni jouet ni landeau breveté. Je doute qu'il y ait la moindre chose en vente qu'il ait jamais vue de ses propres yeux. La McGuire Supply Company a tout, et elle exécute les commandes pour lui. Disons, pas exemple, qu'il reçoit une commande de Monsieur Brown de Newark, pour un torréfacteur à café. Monsieur Brown lui envoie vingt-cinq cents en timbres... tout se fait par timbres. Il écrit l'adresse de Monsieur Brown sur sa propre étiquette imprimée, et envoie ça avec seize cents aux revendeurs, conservant neuf cents pour lui-même. Les revendeurs envoient le torréfacteur avec son étiquette sur l'emballage, à Monsieur Brown, sans que rien n'indique que ça ne vient pas de Monsieur Birtwhistle, qui gagne neuf cents pour la transaction. »
« Ce n'est pas si mal, » dit Sim pensivement. « La seule chose qui compte est, y-a-t-il suffisamment de commandes ? » Mademoiselle Guffy chercha du pied sous la table, toucha quelque chose, et tira un sac de pomme de terres, en forme de poire tant il était rempli.
« Plein de lettres que nous avons reçues, » dit-elle, soutenant le sac. « Nous les conservons et les vendons à un courtier en lettres, qui les rentabilise en vendant les adresses qui y figurent à des hommes d'afaires dans tout le pays. »
« Oh, Bureau K ? » demanda Monsieur Parker.
Des voix sur les marches ; les voix de Monsieur et Madame Birtwhistle, et de la femme passionnée mais gentille que Sim avait vue sur le perron. « Bien sûr, envoyez-le maintenant ! Il sera chaleureusement accueilli. Je le traiterai comme quelqu'un de la famille. »
« Jolie voix ! » dit Mademoiselle Guffy en ricanant.
Monsieur Birtwhistle était parti avec une face de boulanger contre la fenêtre ; il revenait avec une face de joailler contre la fenêtre, d'un homme indifférent à la dépense, peu importe comment ce changement avait été provoqué. Il vit aussitôt les demoiselles Dunphy, et fut satisfait de se tourner vers Mademoiselle Guffy et de dire :
« Je me demande où les filles peuvent être à s'occuper ? Je suis très heureux qu'elles restent à l'écart de nous. Vous savez, Mademoiselle Guffy, combien je hais Katie. Oh, je ne peux pas supporter Emma. Comme vous savez, je suis toujours en train de dire 'Les filles ! Pourquoi ne se tiennent-elles pas à l'écart de nous ?' S'il y a quelqu'un que je ne peux pas supporter... Par tous les cieux, Mademoiselle Guffy ! Pensez-vous qu'elles m'ont entendu ? »
« C'est le diable en personne ! Dites si ce n'est pas le diable en personne ! » dirent les demoiselles Dunphy, ravies de cette plaisanterie. « Bien sûr, il est inutile de vous demander, Monsieur Birtwhistle, comment vous allez. Vous n'avez jamais eu l'air mieux. »
Madame Birtwhistle était sortie avec une tasse de soupe à la main ; elle revenait avec un sandwich dans une main, et un chaton dans l'autre.
« Emma et Katie ! N'avais-je pas dit que j'avais entendu Katie ? » va vers Emma, l'embrasse et lui donne le sandwich, embrasse Katie et lui donne le chaton. « Voulez-vous un peu de moutarde dessus ? Et comment allez-vous ? »
« Aussi bien que de l'or, » dit Emma, sans beaucoup de ressentiment... Mademoiselle Guffy secouant un poing vers elle en signe d'avertissement.
« Allons au travail ! au travail ! » dit Monsieur Birtwhistle. « Emma, pardonnez-moi ; Katie, pardonnez-moi. Au travail avec ce jeune homme ! » Il déambulait dans la pièce, dit encore « Au travail ! », et s'arrêta face à Sim, qui, entre Mademoiselle Guffy et le poêle, était assis en face du canapé.
« Alors maintenant, jeune homme, votre cas ! » Ses manières formelles faisant se lever Sim respectueusement. « Jeune homme, vous savez peut-être mais plus sûrement probablement pas que je bénéficie d'une compétence reconnue aux États-unis. » Il était debout à un des côtés de Sim, au coin du poêle, le dos de sa main gauche derrière lui, appuyée contre un bouton de dos des bretelles ; le poignet de sa main droite contre un bouton de devant des bretelles ; les doigts de cette main droite tendus, la paume vers le haut. Les autres, sauf Monsieur Parker, sont en train de parler ; Monsieur Parker en train de taper à la machine, écrivant soigneusement une lettre, puis recroquevillé, avec les mains comme un kangourou, pour trouver la lettre suivante.
Avec sa main droite à plat, Monsieur Birtwhistle affecta un moment de profonde réflexion ; puis affecta une respiration profonde, qui projeta en avant sa poitrine massive et augmenta son air d'importance. « J'ai reçu votre estimable sollicitation, et vous ai répondu par une offre, je crois. Ma propre expérience précoce a nourri dans mon coeur un appui chaleureux pour tout jeune homme se lançant tout juste comme un humble pionnier, sur les vagues de la vie. »
« Oui, monsieur, » dit Sim respectueusement.
« Aussi laissez-moi vous dire quelque chose que ne n'ai jamais cessé de regretter. Je ne suis pas un homme éduqué, ce pourquoi j'ai besoin des services de quelque jeune homme qui ai profité de meilleurs atouts que j'ai jamais eus. J'ai eu seulement deux années de scolarité dans ma vie. » Le pouce droit fermé sur deux doigts, laissant deux doigts tendus. « Quand j'ai commencé dans la vie, j'avais seulement cinq dollars, Monsieur Rakes. Je regarde souvent en arrière et je me demande comment j'ai fait tout ça. » Une pause rhétorique. Monsieur Birtwhistle, ayant pointé son menton vers une coûteuse figurine de bronze sur la cheminée, maintint immobile son menton comme la pause l'avait trouvé, les deux bras grand ouverts. « En même temps que l'entreprise a grandi, j'ai employé des assistants pour répondre aux questions, écrire les adresses sur les enveloppes, envoyer des lettres circulaires, et assister dans le travail de routine, mais ceux qui furent les moments les plus heureux, c'est seul avec ma femme à mes côtés, rédigeant mes propres enveloppes et m'établissant sur une base solide. J'ai besoin de plus d'aide. J'ai besoin d'un jeune homme avec l'éducation que signalait votre estimable sollicitation, parce que je n'ai eu moi-même que deux années de scolarité. » Le poignet de retour sur le bouton ; deux doigts tendus. « Cette entreprise que j'ai créée n'en est qu'à ses débuts, aussi, là, jeune homme, vous avez une chance de grandir avec moi. Je dois avoir ma propre entreprise. Ne suis-je qu'une machine pour travailler pour quelqu'un d'autre ?... Cependant pour un jeune homme c'est la seule façon d'acquérir de l'expérience. Je ne suis pas né pour être le serf d'un réveil-matin, mais, quand je me lève le matin, pour faire un tour dans mon auto ou un galop à cheval, avant le petit déjeuner, quand le temps le permet. »
« Oui, monsieur, » dit Sim.
« Il est reparti dans les nuages, » dit Madame Birtwhistle indifférente, à une demoiselle Dunphy. « Laissons-le délirer. Guffy, fermez la porte... Je ne veux pas que ce chaton sorte, ou Tunnan l'attrapera et le torturera. C'est une bête et un tortionnaire, voilà ce qu'est Tunnan ; il sollicite de noyer les chatons quand le chat de quelqu'un a des chatons ; descend au restaurant grec pour tuer les poulets pour eux ; a pris la souricière de mes mains hier pour sortir la souris par la queue et frapper sa tête contre le mur. Fermez la porte, Guffy. »
« Oh ma chère ! » avait dit Monsieur Birtwhistle à sa femme. Il poursuivit :
« Nous ne sommes encore qu'à nos débuts, mais je vois mon chemin, maintenant, enfin... »
« Si c'est pour n'importe quelle autre raison que le chaton que vous voulez que votre porte soit fermée... » disait Emma... Miss Guffy agitant un poing menaçant.
« ...enfin. Déjà je peux entendre le clic de nombreuses machines à écrire et le piétinement de mon personnel de commis, se hâtant affairés ici et là. »
Des arêtes et des têtes de poisson sur le sol ; casserole de cendres renversée sous le poêle ; les murs verts couverts de taches ; la figurine de bronze comme une chose de valeur tombée dans le caisson depuis un naufrage en haut.
Monsieur Birtwhistle faisait une pause ; mains sur les hanches, la tête remuant doucement d'un côté à l'autre... puis :
« Laissez-moi vous féliciter, Monsieur Rakes, pour votre sérieuse détermination à prendre un départ dans la vie. En conclusion, laissez moi dire que le succès requiert trois choses : honnêteté, travail et persévérance. Je pense vous avoir fait bonne impression... » Il fit un pas en avant, avec une main paternelle tendue en manière d'encouragement, tapotant déjà d'avance l'épaule de Sim. « Oh, malédictions ! » Une boucle de bretelle s'était prise au coin du fourneau, le tirant fermement à reculons. Ses manières importantes s'envolèrent : Monsieur Birtwhistle faisait semblant d'examiner ses bretelles, comme si un accident grave s'était abattu sur elles ; Emma, secourant pesamment Mademoiselle Guffy, qui était en train d'applaudir :
« Vous êtes peut-être en train de rire de quelque chose que j'ai dit sans le vouloir ? »
Etudiant ses bretelles, Monsieur Birtwhistle était en train de dire :
« Vous emmenez Monsieur Rakes auprès de Madame Maheffy's. Vous pouvez vous rendre utile, non ? Dites-lui, vous, qu'il est en pension chez Madame Maheffy, vu que nous sommes au complet ici. Bon, vous pouvez ? »
Madame Birswhistle faisant semblant de ne pas entendre ça, ignorant Sim, feignant de ne pas être au courant de son existence.
« Est-ce que Monsieur Parker n'a pas belle allure ? » venant d'une demoiselle Dunphy.
« Quoi ? » Monsieur Parker se haussant doucement, un doigt planant au-dessus de la machine à écrire, et rougissant tout en tapant précautionneusement.
« Je vous conduirai auprès de Madame Maheffy » dit-il.
« Oui, » hésitait Sim ; « toutefois je n'ai guère pris de dispositions..."
Il n'y avait personne avec qui prendre de dispositions... Madame Birtwhistle ignorant Sim ; Monsieur Birtwhistle assis sur le sofa affaissé, entre les demoiselles Dunphy, sa tête penchée presque sur ses genoux ; Monsieur Birtwhistle murmurait plaintivement : « Vous avez une allumette ? Quelqu'un a une allumette ? »
« Bon, oui, d'accord, » dit Sim impuissant ; et laissant un Monsieur Birtwhistle apparemment impuissant il alla avec l'apparemment impuissant Monsieur Parker.
« J'étais tellement mortifiée » dit Madame Birtwhistle. « Je ne sais pas ce que le jeune homme doit penser de nous. Il tenait son chapeau tout le temps, n'osant pas le poser sur quoi que ce soit ; il était tout le temps à changer sa sacoche d'un endroit du sol à un autre. »
« Que m'importe ? » dans un marmonnement de Monsieur Birtwhistle. « Que m'importe ce que pense qui que ce soit ? Ne soyez jamais mortifiée, ma chère. »
« Oh, c'est facile à dire ! Comment ! Vous devez nous laisser, Emma ? »
« Oui ; nous sommes seulement sorties pour un moment. Elle a eu sa paye, et je ne suis pas à court, en aucune façon. » Un lourd sourire éclatant sur le visage d'Emma. « Nous ne voulons pas que la deuxième maison soit à court à cause de quoi que ce soit que nous avons eu. Elle ne voudrait pas vous voir à court ; moi non plus. »
« Oh, malédictions ! » dit Monsieur Birtwhistle, levant légèrement sa tête.
La demoiselle Dunphy palmier en pot debout en face de lui, riant avec son cri de « Ho ! ho ! » ses larges mains rouges se balancent devant elle comme des mitaines accrochées par un cordon aux épaules.
« Bien sûr, » dit Monsieur Birtwhistle, s'appuyant contre le mur, « un petit capital c'est juste ce dont j'ai besoin, et ce que, à son moment, chaque entreprise doit avoir besoin, et chaque penny investi avec moi est parfaitement en sécurité, mais, même s'il n'y a pas de risque, je ne peux rien recevoir de plus de vous jeunes filles. »
« Je parle au nom d'elle aussi, » dit la blanche Mademoiselle Dunphy. « Nous devons nous occuper de notre propre compte. C'est naturel de vous occuper de vous-mêmes et si nous pauvres gens ne nous appuyons pas mutuellement, qui le fera ? Elle et moi n'avons besoin de rien ce mois-ci. »
« Jamais ! » cria Monsieur Birtwhistle, croisant violemment ses bras. « N'en dites pas plus. j'ai pris ma décision ! »
« Vous avez été bon avec nous ; vous l'avez été, en effet, nous n'oublions pas et ne voulons pas venir ici les mains vides. C'est vrai quand on dit qu'un oiseau ne peut pas voler avec une seule aile, vous savez. »
Les bras de Monsieur Birtwhistle se déplient, alors qu'il prend une main de chacune des Mademoiselles Dunhy dans chacune des siennes. « Vous êtes de très bonnes filles, mais je ne peux pas vous laisser plus longtemps nous aider, même si l'investissement est bon. je mourrais d'abord, je le ferais, vraiment. Les choses sont en train de s'éclaircir aussi nous sommes sur les rives proches du succès, même si j'ai été peut-être un peu impulsif en faisant venir ce jeune homme qui est arrivé aujourd'hui. Quand je lui ai écrit j'étais, peut-être, un peu plus enthousiaste que je n'avais le droit de l'être. Quoiqu'il en soit, il est établi, Kate et Emma, que je mourrais plutôt que de recevoir un autre cent de votre part. Je le dis dans l'absolu, c'est terminé, vraiment. Alors quand nous reverrons-vous ? Venez le prochain lundi matin, et nous irons tous ensemble au théâtre. »
« Il délire ! » dit Madame Birtwhistle sur un ton sans espoir, indifférent. « Il est encore en train de délirer. Le théâtre n'est-ce pas ? Et ce pauvre Monsieur Parker sans une paire de chaussettes supplémentaire pour ses pieds, quand il marche, avec ses mauvaises chaussures, dans une flaque d'eau, lui qui ne regarde jamais où il va. Qu'il lui paye une partie de ce qu'il lui doit avant de parler de théâtre. »
« Vous empirez les choses ! Vous empirez les désastres ! » dit Monsieur Birtwhistle, relachant les demoiselles Dunphy, qui se dirigeaient vers la porte, s'arrêtant un moment pour observer Mademoiselle Guffy, qui, à sa table, était en train de coller une bande de papier d'emballage. Dehors dans le hall, avec elles où Katie commençait à crier au-revoir.
« Bien, nous serons ici aussi tôt que nous le pourrons. Vous ne savez rien de Madame McGee, celle dont le mari n'était pas mort depuis deux jours qu'elle sortait avec un chapeau voyant ? »
Depuis le perron Katie cria :
« Oh, Vous ne savez rien au sujet de la fille... la juive qui est mariée au noir ? Il doit l'avoir hypnotisée. Le tenancier du débit de tabac l'a vu venir ici une nuit et lui a demandé, 'Dites, où allez-vous?' Il a répondu, 'Ce n'est pas votre affaire !' Quel effronté ! »
Dans la rue, Katie cria :
« Oh, écoutez ! Le rêve que j'ai fait la nuit dernière. J'ai rêvé que j'avais deux de mes vieilles dents dans la main et trois autres tombées. Perdre de fausses dents signifie perdre de faux amis. Quelqu'un, » dit Katie, "« la tient sans doute éloignée de la fenêtre. »
« Ne crie pas ainsi ; c'est ridicule ! » dit Emma.
« Laisse-moi seule ! » dit Katie. « M'accompagnerais-tu à une vitrine ? On y confectionne une robe de soie que je veux voir. »
« Ma foi, mais tu te donnes des airs, Katie ! »
« Je me donne des airs, peut-être, Emma, mais depuis deux ans, à la maison, mon coeur était attaché à une robe de soie ; une qui se distingue, Emma. C'était la première chose à laquelle j'ai pensée quand nous sommes arrivées, mais quelque chose toujours m'empêchait de... »
Quelqu'un les appelait ; Madame Birtwhistle, soutenant sa cime penchante de cheveux courait après elles. « Katie ! Emma ! Bon, vous êtes au courant, je pense. Vous savez comment il est. Oh oui, si noble et si grand à un moment, et puis m'envoyant pour... vous imaginez la suite, je suppose ! »
« Et comment, bien sûr, ma chère, n'étions-nous pas en train de vous le proposer ? Vous pouvez avoir ce que vous voulez... »
« Vous savez comment il est. »
« Vous pouvez l'avoir en le demandant. N'est-ce pas ce que nous voulions, et plus que vouloir ? Nous devrons retourner à la porte quelques instants, donc. »
Et, quelques minutes plus tard, Madame Birtwhistle est de retour au bureau de l'Universal Manufacturing Company ; les demoiselles Dunphy marchent le long de la rue.
« Que nous sommes infortunées ! Que nous sommes infortunées ! Maintenant où en est la confection d'une robe de soie ? »
« N'aurez-donc vous jamais de bon sens, Katie Dunphy ? Vous alliez directement chez nous pour faire un peu de couture, n'est-ce pas ? Pourtant vous venez tout droit ici avec votre salaire. N'aurons-nous jamais toutes deux le moindre bon sens, je me le demande ? L'asservissement et racler les fonds de tiroir, et le diable pour en tirer un cent ! Où s'en va mon argent ? me demande ma lady, parce que c'est tout ce que je peux faire pour rester présentable. » Et alors le sourire lumineux d'Emma.
« La foi, » dit-elle, et trouver du réconfort en elle, « avec ses affreux cheveux, tante Delia est effrayante, n'est-ce pas ! »
« Ho ! ho ! » s'écria la demoiselle Dunphy palmier en pot.
Fin du premier chapitre.