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À Vélo sur la Route des Joad
Nous présentons ci-dessous À Vélo Sur La Route Des Joad ( Riding The Joad Road ), un récit court de - c'est la relation particulièrement intéressante, d'une vraie randonnée - Jim Foreman, auteur, photographe, voyageur...
Nous avons traduit ce récit court en français
Jim Foreman
À Vélo Sur La Route Des Joad
( Riding The Joad Road )
2013 : Traduit de l'anglais.
Site officiel de Jim Foreman : www.jimforeman.com
Lien vers la page du site de Jim Foreman où est publié Riding The Joad Road
Riding The Joad Road - 1998
À Vélo Sur La Route Des Joad – traduction de l'anglais par Brothel & Cie inc.® - 2013
Publié sur : la Bicyclette de Plus, la bicyclette littéraire
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À Vélo Sur La Route Des Joad
« L'ancienne Hudson surchargée craquait et grognait sur la route pour Sallisaw et tourna à l'ouest, le soleil était aveuglant... De Sallisaw à Gore il y a environ vingt et un miles ; de Gore à Warner treize miles ; Warner à Checotah quatorze miles ; de Checotah un long saut à Henryetta - trente quatre miles, mais une vraie ville au bout. » Ainsi écrivait John Steinbeck dans Les Raisins de la Colère en décrivant la fictive famille Joad alors qu'elle partait pour son pénible voyage depuis l'est de l'Oklahoma jusqu'à la Californie.
Quand le livre de Steinbeck fut publié en 1939, il fut acclamé par les critiques mais maudit par les gens de l'Oklahoma. Peut-être que la pomme de la vérité tomba trop près de l'arbre de la réalité. Soixante ans plus tard, je suis dans la même ville avançant sur la même voie rapide et en quête de la même route vers l'ouest ; alors qu'ils conduisaient une vieille Hudson chargée avec tous leurs biens, j'allais sur une bicyclette de tourisme légèrement chargée. J'emportais seulement un change de vêtements de ville, un appareil photo et une carte de crédit. Ils étaient à la recherche d'une issue et d'espoir, j'étais à la recherche d'aventure. L'Oklahoma a un certain nombre de routes historiques qui ont été pratiquement abandonnées après la construction du réseau des grandes routes inter-États. La plus connue de toutes les routes historiques étant la route 66, laquelle dans son parcours vers Chicago, s'étend sur un trajet de 405 miles du Texas Pendhandle jusqu'au Kansas. Étant un fan des textes de John Steinbeck, je décidai que je parcourrais un trajet moins connu, la route des Joad, qui court sur quelques 200 miles de la bordure de l'Arkansas jusqu'aux marches arrière du bâtiment du Capitole ( Ndt : à Oklahoma City, capitale de l'État d'Oklahoma ) où elle rejoint la route 66. Elle était originellement connue comme la route 1 d'Oklahoma, mais a été depuis numérotée et re-numérotée jusqu'à ce qu'elle ait pratiquement perdu son identité. C'est maintenant une des routes presque oubliées traversant l'État, signalées seulement par un mince trait bleu sur la plupart des cartes.
Quant la I-40 fut construite à travers l'Oklahoma, elle contournait la vieille route 1 de plusieurs miles, laissant les petites villes situées le long être emportées doucement par le vent. Elles s'accrochent maintenant à la vie comme des capsules de temps où la seule chose qui semble jamais changer est le style des voitures qui y passent en allant faire un tour. C'est maintenant une route idéale pour le cyclotourisme. Perché sur une colline sous un bosquet de chênes juste à la bonne distance à l'ouest de Sallisaw pour une aire de repos, est édifié le Tribunal Tribal Cherokee. Entre ses mornes murs en rondins, les membres de la tribu tentent de régler leurs différends dans un forum distinct des lois fédérales et de l'État. Quelques-uns y arrivent, mais dans la plupart des cas ils semblent échouer. Une visite à ce site historique peut nous offrir un point de vue frais sur la Nation Cherokee. C'est aussi un endroit où on peut remplir ses bouteilles avec de la bonne eau fraîche.
Je roulais dans Vian où les deux seuls sites de commerce le long de la rue principale à être encore ouverts étaient l'un d'une dame vendant des quilts faits-main et l'autre de trois filles vendant des Snow-Cones [[ Ndt : glace pilée recouverte de sirop vendue dans des cornets ]] dans l'allée d'une station-service fermée. Elles proposaient trois parfums, rouge, jaune et bleu.
« Un quilt comme ça se vend à 300 dollars dans les boutiques en ville, mais j'en demande seulement cent, » dit la dame alors qu'elle me tendait un coin du quilt pour que je me rende compte de sa finesse et sa chaleur. « j'ai fait toutes les coutures à la main, je ne possède même pas une machine à coudre. »
« C'est beau, » dis-je, « mais je n'ai aucun moyen pour le transporter. »
« Jamais entendu parler de la poste ? » lança-t-elle alors que je m'éloignais à vélo. « Nous en avons encore une ici, vous savez. »
J'achetai un Snow-Cone rouge aux filles ricanantes, mais il était si écoeurant de sucre que je ne pus le manger, aussi remplirent-elles mes bouteilles avec de la glace pilée et de l'eau. Je traversai la rivière Arkansas sur le nouveau pont, avec l'ancien à côté paraissant un squelette en train de rouiller.
Comme ma journée de cyclisme était presque achevée j'allai à Dewar où la rue principale était pleine de gens et de véhicules. Je traçais mon chemin derrière une voiture de police, un camion de pompier, plusieurs personnes à cheval et une décapotable avec trois filles s'agitant sur le dossier de la banquette arrière. Au moment où je rejoignais une douzaine, ou à peu près, de gamins sur des bicyclettes avec des roues de 20 pouces avec du papier crépon tissé dans les rayons, la fanfare en face commença à jouer et la file commença lentement à glisser en avant. Une bannière était suspendue en travers de la route, j'étais pris dans la Dawg Daze parade de Dewar. Alors que j'arrivais en roulant à un stop en face du stand du jury, une remorque plateau ornée de papier et de ballons, un type me mit un micro dans la figure et dit « Et ici nous avons un homme à bicyclette. D'où êtes vous, Monsieur ? »
Le câble du micro trainait sur le sol jusqu'à un van avec un panonceau proclamant, « Le Grand Z. La voix d'Henryetta, foyer de Troy Aikman. » Un homme avec des écouteurs était assis à l'intérieur, réglant des boutons sur une boite noire.
« Je suis d'Oklahoma City, » répondis-je.
« Vous entendez ça, cet homme a fait tout le chemin jusqu'ici depuis Oklahoma City pour rouler à bicyclette à la Dawg Daze parade de Dewar. »
« Et bien en fait je suis seulement venu de Sallisaw, » répliquai-je bêtement.
« Hey là, vous tous les auditeurs de notre radio, avez-vous entendu ça ? Cet homme a juste parcouru tout le trajet de Sallisaw jusqu'ici à vélo. »
Je doute que personne d'autre que le type tournant les boutons, l'annonceur et un gars debout près de lui portant une casquette publicitaire pour des graines de maïs, se curant les dents avec une allumette de cuisine, aient entendu la brillante conversation.
A ce moment le pneu d'un camion chargé de porcs lacha juste en face de nous avec un bang assourdissant et dans un nuage de poussière. Le maire et quelques autres culbutèrent derrière le stand du jury.
Pendant que le commentateur radio expliquait que ce que le public avait entendu était un pneu et pas une explosion, je prenais la route au-delà de Deway. Une douche chaude et une piscine attendaient à un motel juste quatre miles plus loin.
Le matin suivant je m'éloignais en pédalant de cette rangée d'endroits vitrés et aux chromes de pacotille, où on sert des Oeufs-MacQuelquechose dans des boites de polystyrène à travers des vitres de voitures. Je cherchais un vrai restaurant de campagne comme William Least Heat Moon décrit dans Blue Highways [[ Ndt : William Least Heat-Moon est un écrivain et historien américain, auteur entre autres de Blue Highways, publié en 1982, livre où il relate son voyage aux États-Unis sur les petites routes rurales et les rencontre qu'il a faites. Ce livre a connu un grand succès. Ref : Wikipedia. ]] ; il se devait d'avoir au moins trois calendriers accrochés au mur. Du côté ouest de la ville, je le découvris niché entre un endroit vantant du bric-à-brac comme antiquités et une station service, signalisé par un panonceau en bois qui disait simplement, "Snacks". La porte à moustiquaire annonca mon entrée par une petite clochette tout en se refermant en claquant derrière moi. Ce devait être l'endroit, non seulement les trois calendriers, mais aussi deux bandes attrape-mouches pendaient du plafond et une pancarte sur la caisse-enregistreuse qui proclamait, LA BANQUE NE VEND PAS DE HAMBURGUER ET NOUS NE FAISONS PAS CREDIT.
Une demi-douzaine de sosies de Bartles & Jaymes [[ Ndt : marque de boissons composées de vin et de jus de fruit ; dans les années 1980 sa publicité télévisée mettait en vedette deux campagnards, Frank Bartles et Ed Jaymes. Ref : Wikipedia. ]], enserrant des tasses à café dans des mains câleuses regroupés autour de deux tables poussées ensembles à l'arrière. Six têtes portant des casquettes publicitaires pour des machines agricoles se tournèrent pour regarder, pendant que je me dirigeais vers le comptoir à un tabouret recouvert de plastique rouge et sur un autre à côté posais mon casque. Sans poser de question, la serveuse avec une coiffure des années 1960 et à l'aise avec ses cache-années en oestrogène glissa une tasse de café fumante devant moi et dit, en pointant un bout de crayon sur son carnet de commande, « Vaut mieux demander vos oeufs brouillés, chéri. Le cuistot est bourré. »
« Henryetta à Okemah dix neuf miles... » Et rien d'autre que des côtes. Juste besoin de deux vitesses, la plus haute ou la plus basse. La vieille Hudson des Joad surchauffait sûrement en les effaçant l'une après l'autre. Finalement trois châteaux d'eau commencèrent à apparaître au-dessus des arbres. C'était à l'époque des principales guerres que chacun d'eux fut construit. Le plus petit aux environs de la première guerre mondiale, celui du milieu la seconde guerre mondiale et le dernier qui ressemble à une balle de golf sur un tee dénote la guerre du Vietnam. Assez étrangement, c'est celui qui rapporte que Okemah fut le lieu de naissance de Woody Guthrie. Sa fameuse chanson, « This Land Is My Land » fut la chanson des opposants à la guerre du Vietnam à travers le pays. Une petite pancarte indiquant un musée dédié à Guthrie est placée en face d'un bâtiment juste à côté de la rue principale. Il était fermé. L'épitaphe « Chien d'agent comministe » est peinte en rouge au spray en travers de la pancarte. L'orthographe, un signe du niveau d'intelligence de l'auteur du vandalisme.
Je grimpai la colline de la ville, six miles jusqu'à Castle, onze jusqu'à Paden et sept encore jusqu'à Prague. J'arrivai à une cabane à côté de la route. Des boulons sortant d'une dalle de béton où était installée la pompe étaient tordus et un bâton enfoncé dans la canalisation. Un côté du porche pendait comme une paupière tombante. J'appuyai mon vélo contre la peinture jaune pelée appliquée dans une futile tentative pour tromper les voyageurs et leur faire croire qu'ils faisaient le plein avec la même qualité de carburant que dans les stations de grandes compagnies.
Je pouvais presque entendre la voix fantomatique du propriétaire qui avait essayé de gratter de quoi vivre en vendant des friandises périmées et du carburant au goutte à goutte pour dix cents le gallon : « Et bien, je ne sais pas où va la région. Je ne le sais simplement pas. Ici il y a moi essayant de continuer. Croyez-vous qu'aucune de ces grandes nouvelles voitures s'arrête ici ? Non monsieur ! Ils vont à ces stations des compagnies peintes en jaune en ville. Ils ne s'arrêtent à aucun endroit comme celui-ci. »
Les fenêtres fissurées étaient recouvertes d'années de saleté et la porte pendait ouverte sur un seul gond. L'endroit était jonché de boites d'huile vides, de bouteilles cassées et un seau avec le fond complètement rouillé. Une boite de bonbons défoncée trainait sur le sol et la porte d'un vieux réfrigateur était grande ouverte, invitant quelque enfant à ramper à l'intérieur et se cacher pour le reste de sa vie. Je fermai la porte et la tournai contre le mur.
Je roulais à Prague, fondée par des immigrants et nommée d'après le foyer d'où ils s'enfuirent pour échapper à la tourmente politique et aux ravages de la guerre. Un sanctuaire doré à Saint Stanislas, le patron qui les conduisit à Oklahoma, est édifié sur la pelouse de l'église catholique au sud de la ville. La ville est aussi fameuse pour le Kolache, une patisserie roulée sucrée et fourrée aux fruits servant pour tout, de dessert à petit-déjeuner. Un motel de 5 chambres à la sortie sud de la ville sera mon logis pour la nuit. La chambre avait des relents de fumée de cigarettes et le lit déformé sentait la bière, la sueur et le vomi. Au moins la douche était chaude et je pouvais regarder trois chaînes neigeuses sur la télé noir et blanc, dont la réception était certainement améliorée par la feuille d'aluminium posée sur l'antenne intérieure.
« Prague à Meekers treise miles ; Meekers à Harrah quatorze miles ; puis Oklahoma City, la grande ville. » À Harrah la route s'élargit à quatre voies et le trafic devint pesant. Des boutiques de prêts sur gage, des stations services et des snacks à hamburgers longeaient les côtés de la route. Un feu rouge était suspendu au milieu de la route, le premier que j'ai vu depuis Sallisaw. Je roulai jusqu'aux marches du bâtiment du Capitole, mon voyage à travers le passé était arrivé à sa fin. La famille Joad continuait vers la Californie. J'arrivais en vélo chez moi. Quelle bonne façon de passer trois jours en faisant du vélo.
Les routes bleues de l'Oklahoma peuvent vous ramener en arrière dans le temps quand la vie était moins agitée, moins stressante et moins exigeante. Un voyage à bicyclette le long des routes oubliées de l'Oklahoma peut être une expérience inoubliable. Dans une voiture vous êtes en contact avec la route mais sur une bicyclette, vous êtes en contact avec les gens.
FIN
© Copyright - administrateur Bicy Gonzo.